Un bibliothèque bleue espagnole? Les historias de cordel (XVIII-XXe siècles)


en:  Thierry Delcourt et Elisabeth Parinet (eds.), La bibliothèque bleue et les littératures de colportage. Actes du colloque organisé para la Bibliothèque municipale à vocation régionale de Troyes en collaboration avec l'Ecole nationale des chartes (Troyes, 12-13 novembre 1999), Paris, Troyes, Ecole des chartes, La Maison du Boulanger, 2000, pp. 193-209.

 

 


 

            Une Bibliothèque bleue espagnole? Il faut aujourd'hui vérifier l'hypothèse émise à l'occasion d'un premier inventaire (cf. Botrel, 1986) en confrontant à l'archétype troyen le répertoire et les "sortes" de quelque 280 historias  dites de cordel (1) dont la codification est acquise à la fin du XVIIIe siècle et qui se perpétuent, pour certains des titres, jusqu'au début du XXème siècle (2).

            1. En situant, dans une perspective "écologique", le genre éditorial dans l'ensemble -l'ordre?- de la literatura de cordel  (cf. Botrel, 1977, 1996 et 1997) dans la variété de ses relations intertextuelles et intergénériques mais aussi de ses modes de réalisation.

            2. En reconstituant et en  interrogeant le processus de production de ces historias -des textes et des images- encore bien vivant au XIXe siècle au cours duquel se constituent les trois-quarts du fonds.

            3. En qualifiant la " bibliothèque " qui en résulte depuis le projet éditorial qui la sous-tend, pour, au delà des discours, le confronter aux usages

            Avec toute les précautions dues au fait que cette bibliothèque reste encore pour partie virtuelle car elle n'est conservée dans son intégralité dans aucun endroit, que beaucoup de titres restent encore mystérieux, que bon nombre d'historias n'ont pas encore été vues faute de les avoir rencontrées, et que l'absence fréquente de dates d'édition ou de données concernant certains éditeurs ne facilite pas la tâche du chercheur préoccupé de génétique et de généalogie des textes...

            A l'instar de son objet, la connaissance de la literatura de cordel est précaire.

 

1. Les historias dans la literatura de cordel.

            Dans leur processus de fabrication (écriture, édition, impression) et de diffusion, les historias de cordel ne sont pas dissociables de ce que, à la suite de J. Caro Baroja (1969), on appelle la literatura de cordel, c'est-à-dire des autres produits de colportage tels que les romances, canciones, libritos, aleluyas ou auques, ventalls, etc., de leurs sources et, éventuellement, de leurs dérivés.

            Un exemple peut-être donné à travers les différents avatars (riches de toute sorte de migrations sous forme d'intergénéricité et intertextualité explicites ou implicites) de Atala ou les amours de deux sauvages dans le désert  du Vicomte François René de Chateaubriand qui échoue sur un éventail de foire (ventall), dans une chaîne complexe où figure La hermosa Atala o la pastorcilla del bosque, historia de cordel éditée en Catalogne par Llorens, Borrás, et Grau y Gené, et qui aboutit à une codification unificatrice du titre ("la Atala") et de l'icone (d'après "Atala au tombeau" de Girodet) (cf. Botrel, 1999). Les mêmes observations pourraient être faites à propos de Paul et Virginie, de la "desgraciada Adelaida", etc.

            Dans cet "entre deux" de cultures et de formes éditoriales où les modes de réalisation (oraux, visuels, audiovisuels autant que lecteurs) sont particulièrement hétérogènes et syncrétiques et non exclusifs les uns des autres, on se demandera donc ce qui conduit à choisir (pour l'éditeur ou pour l'usager) la forme historia plutôt que la forme romance ou toute autre et on s'interrogera sur les spécificités des traitements textuels ou iconiques et des usages quand plusieurs versions existent. En ce sens, le double rapport observé à une ou plusieurs matrices et à des formes contemporaines indissociable d'un mode complexe de réalisation est ce qui caractérisera d'abord, écologiquement, les historias.

            Il n'est pas étonnant qu'on les trouve chez les imprimeurs et auprès des vendeurs spécialisés dans les imprimés de colportage, dans un foisonnement de comedias, relaciones, romances et autres "papiers" (papeles) (3), offre permanente éditorialement bien caractérisée (Botrel, "Cultura...") et à ce titre identifiable, à laquelle s'ajoute périodiquement celle des almanachs et calendriers (Botrel, "Almanachs..") et autres imprimés liés à l'éphéméride (les motes, par exemple), à la fois pour les adultes et les enfants, pour des attentes manifestement différenciées et des usages qui n'excluent pas a priori le milieu scolaire.

            On observera néanmoins que ce qui était encore vendu par les libraires et les retaceros au XVIIIe (Lopez, 1986, 1993) devient l'apanage des kiosques au XIXe, sans que l'on sache, pour le moment, le rôle joué par d'éventuels colporteurs aveugles ou non (4).

            Dans ce circuit original (cf. Botrel, 1992), l'historia de cordel est, de tous les imprimés de colportage, celui qui, par son statut bibliologique et par ses usages, celui qui est le plus proche des modèles canoniques du livre et de l'écrit.

 

2. Production des historias et genre éditorial.

            Si l'on se réfère aux études de F. Lopez déjà citées, le fonds existant au milieu du XVIIIe siècle (il a commencé à se constituer au milieu du XVIIe) comporte quelque 16 titres, correspondant grosso modo aux historias saisies chez Antonio Sanz en 1757 (1993, 351).

            Dans sa thèse (1997), Marian García Collado fait état de l'introduction de 37 nouveaux titres par Manuel Martín en 1767 repris, pour certains, par d'autres imprimeurs de Valence, Murcie, Cordoue, Málaga, Séville, Barcelone et Valladolid, et l'on retrouve en 1794, chez Luis Ramos de Coria de Cordoue 9 des titres d'A. Sanz et 6 de ceux de M. Martín (certains titres ont déjà disparu) ainsi que quelques nouveaux (Lo que pasa en un torno de monjas, Ricardo y Leonisa, Santa Genoveva, Nuestra Señora de Montserrate), puis en 1826 chez Rafael García Rodríguez. Au début du XIXe siècle, une trentaine de titres sont disponibles. Mais c'est à partir de 1840 que va se produire une intense rénovation et enrichissement du fonds avec l'incorporation à la "bibliothèque" d'un nombre important de nouveaux textes (près de 200) à partir de Valladolid, Carmona, mais surtout de Madrid et de la Catalogne et des Baléares.

            C'est ainsi que, depuis Valladolid, Dámaso Santarén introduit dans la bibliothèque des œuvres profanes telles que le Nuevo Robinsón, Napoleón Bonaparte, Pablo y Virginia, Guerra de España, Guerra Civil, Cabrera , El Manto verde de Venecia  ou Edmundo Dantes , par exemple (cf. García Collado, 1997, 457), pour lesquels il n'est guère difficile de trouver non seulement les sources romanesques, dramatiques ou historiques mais aussi d'autres avatars intermédiaires ou complémentaires (6). A Carmona, J. M. Moreno continue de puiser dans Cervantes avec la publication de l'Historia de la Gitanilla de Madrid et de l'Historia de la señorita Cornelia y el duque de Ferrara sacada de las obras de D. M. C. y S. (4 pliegos) dont on trouve des éditions en 1859 et 1863. Ces mêmes sources d'approvisionnement où le théâtre et le roman à la mode tiennent une place importante pourront être observées chez le madrilène d'origine catalane Marés (cf. Estepa, 1998) qui a,, par ailleurs, abondamment recours à l'actualité (la Guerre d'Indépendance et les premières Guerres carlistes, essentiellement (cf. Botrel, 1987) et en Catalogne. Un peu plus tard, entre 1873 et 1879, la maison Marés introduira 14 nouveaux titres liés à II Guerre carliste (1871-76) ou à des "biographies" de bandits, avant qu'en 1885 Joaquín Minuesa Picazo n'inscrive (apparemment pour la première fois) à la Propriété intellectuelle 5 titres qui ne figurent pas dans liste de 1879 : El anillo de Zafira, El pirata negro, El caballero sin cabeza del Valdormido, Juan Pulgón, Los Juanillones). Après 1898, la maison Hernando introduira encore trois titres d'actualité (cf. Botrel, 1982) avant de se contenter de vendre de nouveaux tirages d'un fonds désormais fossilisé, sauf à considérer comme relevant de la "bibliothèque" les éditions de la "Biblioteca moderna" (7).

            L'autre foyer de production et d'innovation est la Catalogne : selon J. Amades (1931), Juan Llorens, ex-pressier chez l'imprimeur Joan Francesc Piferrer, commence vers 1842 à éditer des romances de cordel et des pliegos de aleluyas  (8). Lui succèderont Antoni Llorens, Cristina Segura Vda de Llorens avant que Luis Raynaud, propriétaire de "El Abanico " n'achète le fonds avant 1910.

            Quant a Antoni Bosch (1818-1895) dont on sait qu'il édite des romances avant 1861 (la collection de chansons "El Cantor de las hermosas" commence en 1853), il semble avoir eu recours à des auteurs adaptateurs tel que A. Faura. En 1877 Pere Vidal i Joan Pera Sucesores de Bosch poursuivont ses activités qui prendront fin en 1920. A Reus, on trouve dès 1852 Juan Bautista Vidal. A Palma (de Mallorca), Borrás (dont l'activité est attestée dès 1846) et, vers 1850, J.-B. Vidal. A Gérone, Homs se consacre également à l'édition de colportage en 1854.

            Dans la production de ces éditeurs/imprimeurs, on trouve bon nombre de titres également diponibles à Madrid mais aussi des innovations qui aboutissent à une diversification et parfois même à une certaine originalité de tel ou tel fonds comme celui d'A. Bosch, sans que le catalan apparaissent comme une langue alternative dans ce type de publications (9).

            Au début du XXe la "bibliothèque" est stabilisée et pratiquement close, les mêmes titres étant offert aussi bien à Madrid qu'à Barcelone.

            De ces quelques indications qui devont être complétés le moment venu par une étude diachronique et généalogique, on peut tirer la conclusion que l'enrichissement du fonds initial (romans de chevalerie (cf. Pina, Baranda, 1994, Baranda, 1995), vies de saints et épisodes bibliques (cf. García Collado, 1997)) se fait essentiellement par le biais de la littérature dramatique ou romanesque européenne -française, surtout, avec Bernardin de Saint Pierre, les Mille et une nuits, Mme Cottin, Chateaubriand, Dumas, Hugo, etc. mais aussi José el mendigo, El pastelero de carne humana, Anselmo Collet  ou l'Historia de Luis XVI rey de Francia sacada del Cementerio de la Magdalena  d'après Régnault-Warin (Botrel, 1994)- et par la littérature historique contemporaine, accessoirement par la création "nationale" et "originale", notamment avec des histoires de bandits.

            La quasi totalité de ces historias peuvent donc être considérées comme des produits seconds, dérivés de textes disponibles ; c'est ce qu'exprime explicitement avec une relative fréquence la précision "sacado de" ("extrait de") présente dans le titre et quand tel n'est pas le cas il n'est guère difficile de retrouver la ou les sources utilisées (10) . Le travail d'adaptation du  texte source donne lieu à toutes sortes de manipulations dont la conséquence essentielle est la réduction du volume initial au modèle éditorial pour une adéquation proclamée au public : c'est ainsi que les 3, 5 millions de signes du Comte de Montecristo sont réduits à 130 000 maximum dans l'Historia de Edmundo Dantes et que l'Historia de Esmeralda o Nuestra Señora de París sacada de la que escribió el célébre Víctor Hugo por A. Faura  est contenue en 22 pages in 4°, soit environ 50 000 signes répartis en 7 chapitres. Pour plus de détail sur les logiques qui prévalent aux adaptations dont certaines concernent aussi la forme du produit éditorial (introduction de chapitres, de résumés, etc.), on se reportera aux quelques études existantes qui portent principalement sur les romans dits de chevalerie : le Conde Partinoples (Botrel, 1988), Roberto el Diablo (Cacho Blecua, 1986), Pierres y Magalona (García Collado, 1994), la Doncella Teodor, Flores y Blancaflor, París y Viana (Baranda, Infantes, 1993-4, 1995), mais aussi sur quelques histoires du temps présent (Botrel, 1987, 1994) et Inês de Castro (Birner, 1987).

            Les indispensables illustrations xylogravées quant à elles peuvent être qualifiées d'originales dans la mesure où elles ne semblent pas venir de réemplois mais plutôt de commandes spécifiques à des graveurs qui n'ont pas craint, comme leurs confrères adaptateurs, de s'inspirer de modèles (de tableaux ou de gravures) déjà existants. Il s'agit là d'un chantier quasiment vierge et on se contentera de signaler deux exemples : celui du portrait du Conde de Montemolín (Botrel, 1987) et celui de l'emprunt au "Tres de mayo" de Goya de l'illustration présente (p. 8) dans l'Historia de la guerra de independencia publiée par Marés,en renvoyant au fondamental ouvrage de Francesc Fontbona sur la xylogravure en Catalogne (1992).

            Si l'on souhaite caractériser l'ensemble des textes qui en résulte (le fonds cumulé, indépendamment, donc, des stocks et des flux), on peut dire que l'historia  est très clairement associée à une forme narrative linéaire et à un ou deux héros (84 au total dans le répertoire correspondant au XIXe siècle) dont on raconte la vie de la naissance à la mort ou presque (même pour les êtres de fiction et dans les "biographies historiques"), avec une prédominance de noms et prénoms dans les titres. Très majoritairement, il s'agit de fictions littéraires (plus de la moitié des titres), le reste relevant de la narration historique 57 titres, des biographies, essentiellement (45), à côté de 12 épisodes, la religion ( 21 titres) et les vies de bandits (17 titres) .

            Les limites d'une telle classification dont il n'est pas sûr qu'elle fonctionne auprès du public (les éditeurs quant à eux ont tendance à accumuler dans l'ordre de parution et au mieux à classer par nombre de pliegos selon critères éditoriaux) sont évidentes : l'historia d'Ana Bolena relève-t-elle de l'histoire ou du roman, celle de Francisco Savalls est-elle celle d'un personnage historique ou d'un bandit, San Amaro est-il un saint ou un héros ? C'était évidemment au public d'en décider...

            Si l'on veut comparer cette bibliothèque avec la " Bibliothèque bleue ", on n'observe que très peu de coïncidences au niveau des titres, comme Pierre de Provence et la Belle Maguelone, Sainte Geneviève, Saint Alexis, Vie et mort de N. S. Jésus Christ , Vie de Napoléon, Robert le Diable (liste non limitative), et, curieusement, Anselme Collet qui est l'historia d'introduction plus tardive. Il faudrait évidemment aller au delà de la coïncidence dans les titres et comparer les versions française et espagnole de chacun. Pourquoi les aventures de Till Ulenspiegel n'ont-elles pas trouvé d'écho en Espagne? Pour les mêmes raisons que sont absentes de la Bibliothèque bleue celles de Bertoldo, Bertoldino et Casaseno ? Pourquoi l'Aventurier Buscon Histoire facétieuse composée en espagnol par Dom Francisco de Quevedo Chevalier espagnol... a-t-il retenu l'attention des éditeurs troyens (Chartier, 1982) et pas celle des éditeurs espagnols ? Les questions sont évidemment sans fin qui interroge une éventuelle cohérence de la stratégie éditoriale...

            Comme genre éditorial (12), l'historia est un pauvre imprimé, un infra-livre, et on peut dire qu'il l'est de plus en plus, par diminution et stabilisation du format pour céder définitivement la place à l'in cuarto avec la disparition des in folio, et par dégradation ou paupérisation du papier (13)  et de la typographie (usure des types, coquilles).

            L'évolution à la baisse du nombre de pliegos nécessaire pour l'édition d'un même texte entre XVIIIe- début XIXe et après 1850 (14) entraîne en tout cas une réduction du nombre de pages au prix de compositions particulièrement compactes, à la limite de la lisibilité et, par imitation du livre, on adjoint une couverture bientôt illustrée, on introduit des lettrines et , après 1840, des illustrations dans le corps du texte qui tendent -relativement- à proliférer (15).

            Dans la mise en page, la composition sur deux colonnes, courante au XVIIe siècle, si elle subsiste dans la "Galería histórica moderna" d'A. Bosch, est majoritairement abandonnée au profit de la pleine page, tandis que les résumés de début de chapitre tendent à s'abréger (16).

            Parmi les éléments du paratexte, l'illustration  est sans doute, avec le titre, le codificateur le plus constant. Par sa présence systématique et évidente sur la page de titre/couverture (17) où il occupe au moins la moitié de la surface imprimée (18) et par la constance de ses principales composantes (invariants emblématiques (19)), perceptibles dans les plagiats successifs (20) il devient le principal facteur d'identification du produit au moins au XIXe siècle (21) .

            S'agissant du prix, on ne peut se contenter de le réputer "bas" : les prix de gros connus -45 reales vellón la rame en 1766 chez Laborda (García Collado, 1997, 429)- mettent à 6, 25 cents les 3 pliegos , alors que les 4 pliegos reviennent à 8, 33 chez Hernando en 1896. Compte-tenu du bénéfice du revendeur, cela rend plausible le prix de détail affiché au début du XXe chez Cristina Segura pour sa "colección de historias con cubiertas ": un real soit 25 centimes chaque historia, c'est-à-dire cinq fois le prix d'un quotidien à l'époque et le douzième du salaire quotidien d'un typographe en 1906.

 

3. Une bibliothèque à large diffusion pour des "classiques du peuple" ?

            S'agit-il d'un genre de grande diffusion ? Au XVIIIe siècle, les quelques indications ponctuelles sur les tirages et surtout sur les stocks saisis peuvent donner une idée du traitement éditorial réservé à ces imprimés (22) : les 11 326 exemplaires (700 en moyenne par titre) saisis chez le libraire Antonio Sanz en 1757 (Lopez, 1993),  semblent peu comparés au stock de Garnier en 1789 : 443 609 exemplaires pour un nombre de titres certainement supérieur il est vrai (Martin, 1975), mais il faut ajouter à cette offre celle d'autres libraires de Madrid et imprimeurs d'Espagne...

            En effet, à la fin du XVIIIe la production et la circulation de ces imprimés -de chacun d'entre eux- concerne déjà toute l'Espagne (García Collado, 1997) (23). On observe, en effet, que la saisie opérée chez Antonio Sanz et l'interdiction qui lui est faite de réimprimer les titres visés, n'empêche pas que ceux-ci soient disponibles chez d'autres libraires qui s'approvisionnent à Salamanque, Séville ou Valence (11 titres chez A. Laborda), Valladolid, mais aussi Grenade, Saragosse, Cordoue.

            Faute de sources d'archives (d'ailleurs très ponctuelles) au delà du XVIIIe siècle, on en est réduit, pour la période la plus contemporaine, à raisonner à partir de l'offre mesurée à partir du nombre de titres par point d'édition.

            Laissons en effet de côté, les 280 titres de la bibliothèque "virtuelle" ou théorique pour nous intéresser, dans la diachronie, à l'offre effective à un moment donné. Elle de 40 titres chez Martín en 1767, 41 chez Santarén en 1848, 62 chez Marés en 1858 et, avec l'augmentation de l'offre accompagnant la diversification déjà signalée, de 75 chez Minuesa en 1885, 103 en 1896 chez Hernando, 140 titres chez Sucesores de Bosch mais surtout un même titre peut être disponible chez plusieurs éditeurs en même temps, comme c'est le cas pour les  romans de chevaleries ou Los tres corcovados de Braganza offert en même temps par Santarén à Valladolid et par Blas Bellver à Játiva en 1841, même si la tendance à la concentration à Madrid et en Catalogne est perceptible dans ce domaine comme dans les autres (24). Si l'on retient les titres ayant fait l'objet de 8 à 13 éditions au XIXe siècle et présentes au moins chez quatre éditeurs, on trouve que parmi les 42 ainsi obtenus les romans de chevalerie sont aussi nombreux que les vies de saints (12 et 11), suivis par 6 romans modernes, 5 biographies, 5 récits historiques et 2 vies de bandits.

            L'examen des différentes listes d'éditeurs (on ne peut parler, sauf pour Hernando,  de catalogues), permet de constater que tous les titres n'ont pas survécu. Mais comment interpréter ces disparitions de la "bibliothèque" : le fait que seuls 18 titres de la série de M. Martín soient repris par Marés y Cía, la non reprise par cette maison d'édition ou les éditeurs catalans des adaptations des Voyages de Gulliver ( País y condición de los enanos, de los gigantes) ou de los Tres corcovados de Braganza mais aussi La Garduña de Sevilla  éditée pourtant à Madrid ou de Cornelia et  de la Gitanilla  d'après Cervantès et même Edmundo Dantes (sauf à Palma) : parce qu'éditées uniquement à Valladolid ou Carmona ? A moins que ce ne soit la concurrence d'autres collections "populaires" ?

Ou par perte rapide d'intérêt qui affecterait, par exemple, les historias de Carlos María Isidro de Borbón, du Pape Pie IX (1852), de María Cristina de Borbón (1854) mais pas celles des généraux libéraux et carlistes ? On en est réduit à constater le fait...

            Pour la mesure du succès des différents titres et la caractérisation des goûts dominants dans la durée, on peut bien sûr, en réputant constant chaque tirage, se référer au nombre cumulé d'éditions connues entre 1840 et 1910 (Pierres y Magalona : 13, Clamades : 10, Partinoples :11, Pedro el Cruel : 12, Roberto el Diablo : 11, Tablante de Ricamonte : 9, Bernardo el Carpio : 8, Carlo Magno : 11 , Diluvio universal : 9, San Alejo : 8, San Amaro : 7, Santa Genoveva : 11, Pasión de Jesus Cristo : 6, Aladino : 12, Marqués de Villena : 12, Ricardo e Isabel : 9). La préférence pour les romans de chevalerie et certaines vies de saints est frappante, par sa permanence, malgré les saisies et les interdictions de 1757-1767, les discours dépréciatifs et la concurrence... Voilà pour la longue durée. Car dans l'attente de données complémentaires sur les éditions et les tirages, l'examen du comportement de quelques titres dans une plus courte durée ne donne pas forcément les mêmes résultats : en ce sens, en l'état de nos connaissances des éditions, des historias apparues plus tardivement comme Aladino ou le Marqués de Villena sont sans doute encore plus "best-sellers", et celles de Noches lúgubres (de Cadalso), Cabrera, Napoleón, Prim, le Nuevo Robinsón, Francisco Esteban el Guapo font jeu égal avec les " classiques " Creación del mundo, San Albano, Juicio Universal. Pour des titres mis en circulation après 1870, avoir connu 5 à 6 éditions est particulièrement significatif : c'est le cas de Rosa Samaniego (5), Pincha Uvas (6), Mágico rojo (7), Jaime el Barbudo (6), toutes des histoires de bandits...

            Les historias de cordel peuvent-elles donc être considérées comme relevant de la grande ou large diffusion ? La permanence dans le temps et la diversité géographique de l'offre de certains titres, le nombre d'éditions repérées permettent de le supposer.  En raisonnant sur la base d'éditions de 4 000 exemplaires par édition on peut avancer le chiffre de 1 600 000 exemplaires mis en circulation et vendus pour 42 best-sellers entre 1800 y 1914, ce qui ne donne pas des ventes annuelles très impressionnantes, mais qui par accumulation et par la permanence d'une offre partagée (quelque 50 000 exemplaires d'Aladin, par exemple) et surtout par juxtaposition avec d'autres consommations "populaires" d'autres produits de large diffusion permettent certainement d'avoir un autre regard sur l'analphabétisme statistique de l'Espagne.

            Peut-on aller au delà dans la connaissance du lectorat, de ses pratiques et de ses usages ? L'exploitation dans les rares manifestations du discours éditorial (quatre pour le moment...(25) de quelques informations disponibles ou déductibles donne quelques renseignements sur le projet, les intentions déclarées, les mécanismes de censure et  d'auto-contrôle et quelquefois de possibles usages

            On peut dire que le public expressémment visé est le "véritable peuple" (espagnol) c'est-à-dire " ceux qui n'ont pas de grands moyens pour acquérir des livres plus volumineux " -préoccupation déjà observable chez M. Martín au XVIIIe siècle (cf. García Collado, 1997, 377)- mais qui connaissent certaines œuvres sans les connaître. C'est ce que dit, par exemple, le prologue à La Esmeralda... La conséquence sur le produit qui leur donnera satisfaction est qu'il s'agit d'un résumé simple mais exact et mesuré vendu à un prix accessible. Dans un cas, une référence aux illustrations renvoie à un public jeune (26).

            Moins explicite mais plus féconde sans doute est l'exploitation des indices présents dans le texte ou le paratexte eux-mêmes.

            C'est ainsi que l'examen de la morphologie des titres (comme élément sui generis de la production éditoriale et de la codification du genre) et de son évolution à l'usage (commercial ou lectorial) permet de confirmer, outre l'invariabilité de la structure comme mode de reconnaissance ou d'identification, la disparition de la référence à la source, mais le maintien et partant l'importance de la dimension anthroponymique dans les possibles options/motivations mais aussi les modalités linguistiques "familières" de l'appropriation perceptibles jusque dans les listes des éditeurs (27).

            Par ailleurs, si les éléments caractéristiques de produits ad usum populi comme la fragmentation extrême en chapitres, la faible extension (brièveté), le caractère économique du produit sont réunis de même que d'autres éléments plus "pédagogiques" ou facilitateurs comme les résumés en début de chapitre (cf. Chartier, 1994), la mise en page, la taille du caractère employé et le nombre de lignes (particulièrement serrées) et de signes par lignes ne semblent pas répondre à des préoccupations de lisibilité qu'on a pu attribuer aux romans par livraisons (novelas par entregas), par exemple (cf. Botrel, 1996). Il semble bien qu'ait prédominé le souci de donner la plus grande quantité de lecture possible pour le moindre volume et le moindre prix (ou le moins de papier), argument publicitaire souvent mis en avant au milieu du XIXe siècle (Baulo, 1998), avec une densification de la page sans que les aptitudes des lecteurs primaires aient -qu'on le sache- notablement progressé (Botrel, 1998). C'est semble-t-il le modèle du livre qui s'impose à cet infra-livre (unitaire vs fragmenté ou à collectionner dans le cas des feuilletons et des œuvres (romans) par livraisons, avec la présence accrue d'illustrations, on l'a vu).

            Comment interpréter, par ailleurs, l'existence de versions en prose et en vers pour quelques rares titres comme Genoveva de Brabante, La Española inglesa chez Marés Historia y cartas de Abelardo y Eloisa  de même que Historia de la guirnalda milagrosa (1858) et Historia de Ricardo e Isabel (1866) ? Pure redondance éditoriale à finalité commerciale ? Souci de permettre des appropriations différenciées de ces livrets, l'une par la lecture -y compris à haute voix-, l'autre par la mémorisation à des fins de récitation?

            A cet égard, on en est réduit à des hypothèses fondées sur l'analyse des pratiques dominantes en matière de lecture (Botrel, 1998) (28). Y-a-t-il des liens avec le système scolaire suggérés par F. Lopez (1986, 19 ; 1993, 365 et 371) ? Aucun témoignage  ne permet d'attester d'usages en milieu scolaire après le XVIIIe siècle ni de lectures à haute voix d'ailleurs : ce qui est convenu en la matière (veillées, lectures à haute voix, etc.), ne peut être présenté comme quelque chose de constaté pour les historias. L'usage individuel n'étant évidemment pas exclu par le mode de présentation (les ilustrations ne peuvent être vue collectivement, mais au mieux successivement, la pédagogie des résumés en début de chapitre peut parfaitement s'adresser à un lecteur débutant. Il, s'agit là de pistes à explorer et ce ne sont pas les mentions manuscrites qui risquent de nous éclairer... (29).

            Quant aux caractéristiques discursives, au statut du narrateur, aux relations établies avec le lecteur, il s'agit d'un chantier pratiquement vierge. Bornons-nous pour le moment à renvoyer, une nouvelle fois, aux quelques études textuelles publiées (30).

 

Conclusion.

            A la fin du XIXe siècle, à une époque où l'Espagne compte encore deux tiers d'analphabètes, on peut remarquer que des éditeurs comme Julio Nombela (pour les classiques et l'histoire) ou Maucci, pour les "héros" de tout temps, lancent, parfois pour les mêmes titres mais avec d'autres "auteurs" (31), des produits qui ressemblent aux historias et coexistent pendant encore un moment avec celles-ci, à moins qu'elles n'en prennent le relais (32).

            Ce qui est sûr c'est que cet ensemble d'historias n'est pas une pan-bibliothèque -omnia et omnibus- : à côté d'elle, il existe dans la librairie de colportage d'autres produits connexes, pour satisfaire d'autres besoins (almanachs, livres utiles (33), images ou littérature graphique, etc.) et même lorsqu'il y a redondance apparente (même titre ou même thème), on ne peut que supposer une relative discrimination dans les usages, avec un poids particulier de la représentation du livre canonique et de la culture consacrée.

            En ce sens, ces " classiques du peuple"... ne peuvent être isolés d'autres produits et d'autres pratiques du peuple. Ce qui est sûr, également, c'est que dans les usages supposés populaires où l'on remarque le poids de la représentation du livre canonique et des références à la culture consacrée, elle est inséparable de la mnémothèque et du répertoire dramatique (Botrel, 1999). En ce sens, il est sans doute préférable d'oublier la "bibliothèque bleue" pour qualifier ces historias de cordel et de les situer comme des éléments parmi d'autres -innombrables- constituant la librairie du peuple espagnol.

           

J.-F. BOTREL (Université Rennes 2)

 

 

Notes :

 

1. L'historia, terme générique attesté en 1735, est rapidement devenu un genre éditorial plus qu'un genre littéraire : il s'agit de brochures ou " infra-livres " in 4° de 2 à 5 pliegos (cahiers), soit de 16 à 40 pages pouvant contenir chacune entre 18 000 et 34 000 caractères (soit entre 36 000 et 170 000 caractères au total, selon les époques), avec une illustration sur la page de titre, celui-ci commençant toujours par "Historia de..." et, après 1850, une couverture de couleur d'abord muette mais qui bientôt pourra comporter une illustration. Du point de vue bibliologique, l'historia peut être située entre le pliego suelto  (cahier) et le livre qui est le modèle. Les quelque 280 titres inventoriés du XVIIIe au XXe et les 225 titres décrits pour les seuls XIXe et XXe siècles -tous éditeurs confondus- (Botrel, 1986), sont à comparer aux 222 titres que le dernier éditeur "troyen" Charles-Louis Baudot propose en 1830-1863. Je dois mes principales références à la Bibliothèque bleue aux travaux de L. Andriès (1979), G. Bollême (1971), M.-D. Leclerc et A. Robert (1986) et H.-J. Martin (1975).

 

2. Comme l'Historia verdadera del Conde Fernán González , de caractère pseudohistorique et légendaire, saisie en 1757 chez Antonio Sanz (cf. Lopez, 1993) qui est encore en vente chez M. Borrás (Palma, Tienda, Cuesta del Teatro) au début du XXe siècle.

 

3.Voici comment, en 1881 le "dépôt de gravures du pays" de José Clara Bou (Plaza Nueva, 18, à Reus ) décrit son activité : "Venta al por mayor y menor. Completo surtido de Historias, Sainetes Romances, Libritos, Aleluyas, Santos, Soldados, Teatros, Abanicos catalanes (vulgo Bentalls), Calendarios, Papeles blanco y Colores, Figuras para sombras, Balas de piedra, porcelana y vidrio a todos los tamaños, Pelotas de cuero blancas y color. Publicado en este depósito: Aleluyas 1 y 2 Rompe Cabezas, 2 De la terra al sol, 3 Lo Relotje de Monseny, 5 Inundación de Murcia, 6 Historia de Cabrinetty. Libritos, Canciones de Navidad,  Historias Historia del Brigadier Cabrinetty , Romances 1 Nueba (sic) habanera Vila La Mar, 2 El amor de un marino Las peteneras Las fumadoras". Et la variété de l'offre de cordel ne s'arrête pas là puisqu'on peut y ajouter les sainetes, les novenarios, etc. (cf. Botrel, "Cultura...").

 

4. Cf. Fontaine (1993). L'absence d'historias parmi les produits saisis auprès d'aveugles colporteurs dans la seconde moitié du XVIIIe (la règlementation en vigueur prévoyait que les imprimés de plus de 4 feuilles soient réservés aux "pobres retaceros" (Botrel, 1973, 439)),  est une première indication. Des informations disponibles, on retient que ces historias sont disponibles chez les libraires et retaceros  : il est fait référence aux "bastidores que Andrés de Soto tiene puestos en la pared frente de otra su casa tienda", à un "retacero de otras comedias, relaciones y papeles impresos Joseph de Oña en la puerta del Sol inmediata a la calle nominada de los cofreros " et à un "puesto de le Libros, comedias, relaciones, romances, historias y otros papeles impresos de Antonio del Castillo en las Gradas de San Felipe" (García Collado, 1997, 425, 434, 429).

 

5. On peut ajouter à la liste reproduite, La Doncella Teodor (mise en l'Index en 1755) et les romances de Francisco Esteban ainsi que la Vida de Santa Rosa de Lima en 5 romances. Chez d'autres libraires ou imprimeurs on pouvait trouver l'Historia de San Francisco, et celle de la Poncella de Orliens (cf. Campo, Infantes, 1997).

 

6. Le Comte de Monte Cristo paraît en 1845, est traduit à Barcelone, Madrid, Málaga et Cádiz l'année suivante (1846) donne lieu à un romance de 1846 ("Habiéndose ahora visto/muy justramente apreciada/la novela titulada/El Conde de Montecristo/vamos nosotros a dar/una relación sucinta..." (Marco, I, 305)), connaît en 1848 une adaptation au théâtre par Augusto Maquet (?) puis par Víctor Balaguer et F. L. de Retes et on connaît en outre un romance  d'Estivill de 1848. Il figurera bientôt  au catalogue de D. Santarén comme historia.

            Pablo y Virginia dont la première traduction espagnole est de 1798, fait l'objet d'une adaptation dramatique puis d'une relación (Pablo y Virginia. Breve relación de B. Estivill 1833 (cf. Marco, I, 290-1)), d'une canción, d' aleluyas, de couvertures de papier à cigarettes, d'une série de tableaux en lithographie, outre un opéra semi-seria et un drame pastoral.

            Les ...Adventures of Robinson Crusoe of York... (1719) qui avait été traduites en espagnol en 1837 dont une version abrégée à Barcelone sont introduites dans le circuit de colportage par Santarén qui a repris les adaptations des Gulliver's Travels  (1726) traduit en  1793, 1797 et  1800, sous le double titre de El país y la condición de los gigantes et El país y la condición de los enanos , disponibles à Cordoue sous le titre Historia del descubrimiento de la tierra de los gigantes et Historia del descubrimiento de los enanos .

            Dans l'étude de J. Marco (1977) on trouvera la plupart des antécédents dramatiques des historias intitulées El Campanero de San Pablo , Vida de un jugador (d'après Trente ans ou la vie d'un Joueur de Victor Ducange (1827) qui avait donné lieu à un romance dès 1832 , puis à un roman de Manuel Angelón (Treinta años o la vida de un jugador. Novela original inspirada en el drama del mismo título , Barcelona, López Bernagosi, 1862) et qui est publié sous forme d'historia à Barcelone, Reus et  Palma ;  Lucrecia Borgia  (Paris 1833/Madrid 1835) qui donne lieu à l'Historia de los crímenes y liviandades de esta célebre cortesana por B. M. (Sucs. de Bosch) ;  Margarita de Borgoña o la Torre de Nesle (Paris, 1832, traduction de 1836) qui inspire Margarita de Borgoña, reina de Navarra y Francia.Historia  de los crímenes de esta célebre cortesana por B. M. (Sucs. de Bosch), Los amantes de Teruel, bien sûr et de nombreux autres titres.

 

7. En 1899, l'Antigua Imprenta Universal (Cabestreros, 5 Madrid) propose 54 historias de cordel. Après 1909 on lui devra une "relación en verso romance El general Marina. Nueva historia de la guerra de Melilla. Combates y episodios notables de la Campaña. Recopilados y escritos en romance por D. Calixto Navarro (hijo) (4 pliegos). Julio Caro Baroja (1969, 342) attribue 60 titres à la "Biblioteca Moderna" et fait référence à certains titres d'une "Nueva biblioteca. 1a serie. Bandidos célebres de España" (p. 398-400). Après 1880, la Viuda e hijos de R. Mariana y Mompié à Valence publie elle aussi des historias comme l'Historia del esforzado Clamades y la hermosa Clarmonda o sea el Caballo de madera  (les titres annoncés sont les mêmes que ceux de Marés à Madrid).

 

8. En 1852, il fait état d'une "Colección de historias antiguas y modernas como son : Doña Blanca de Navarra etc., D. Diego de León, El Papa Pío IX, Zumalacárregui etc., El ex-regente Espartero" (Biblioteca Serrano Morales, Valencia).

 

9. Alors qu'on trouve un grand nombre de sainetes en catalan et un certain nombre de libritos comme le Novíssim estil d'escriure cartas en catalá , les historias sont toutes publiées en castillan.

 

10. Ainsi la source pour Historia de Cabrera (1845) (pour la période allant jusqu'au 16-12-1839) est à rechercher dans la Vida militar y política de Cabrera redactada por D. Buenaventura de Córdoba  (Madrid, 1844-45, 3 vol.).

 

11. Il est curieux de constater que pour des personnages encore vivants, les éditeurs éprouvent le besoin de compléter leur histoire à l'occasion de nouvelles éditions, comme c'est le cas pour celle de Cabrera (cf. Botrel, 1987).

 

12. A ce sujet, voir les propositions de N. Baranda (1996) et V. Infantes (1996).

 

13. On remarquera que certains titres sont offerts in folio et in 4° et en papier "ordinario llamado comúnmente de estracilla" et non sur papier de qualité comme le prescrivait la loi depuis 1752, ce qui traduirait une paupérisation du produit.

 

14. Ainsi les quatre pliegos de l'Historia del Conde Partinoples chez Marés en 1851 ne sont plus que trois chez J.-B. Vidal à Reus.

 

15. Dans l'Historia de Zurbano on trouvera, par exemple, 5 illustrations comme dans l'Historia de la guerra de independencia...(1859). Dans l'Historia del sitio de Zaragoza (1856), il y en a 9 dont 4 lettrines  et 2 culs-de-lampe,  avec une tendance à une prolifération relative des illustrations du corps du texte. Ainsi, en 1845, l' Historia de Cabrera comporte 14 illustrations, notamment au début des 10 chapitres sous forme de lettrine.

 

16. Le résumé initial ("Resumen de la historia") est, après 1767, décomposé en résumés placés en tête de chapitre (García Collado, 1997, 436).

 

17. A titre de comparaison, dans un article publié dans la revue Dix-huitième siècle,  S. Le Men remarquait que moins de 15%  des titres de la Bibliothèque bleue bénéficiaient d'une illustration.

 

18. Il serait intéressant, par exemple, de se pencher sur les "dettes"  à l'égard des images disponibles et/ou conventionnelles que peuvent traduire les illustrations des pages de couverture et intérieures de l'Historia de la virtuosa y penitente Santa Genoveva Princesa de Brabante , comme la scène des retrouvailles entre le Comte et Geneviève et son (leur) fils (présence d'une biche), l'attention et le traitement de la chaste nudité de Geneviève rappelant l'art nouveau allemand du XIXe siècle (dans la version en vers de Llorens, 1876. A remarquer, le réemploi -exceptionnel-  p. 18 de cette édition, de l'illustration figurant sur la couverture de la version en prose publiée la même année chez le même éditeur (supplique de Geneviève à ses bourreaux) (cf. Maujouan du Gasset, 1989).

 

19. Ainsi le positionnement des personnages, le décor, la plupart des détails présents dans l'édition Marés du Conde Partinoples de 1851 sont repris par l'auteur du bois utilisé par J. -B. Vidal pour son édition du même texte.

 

20. L'importance de cet élément peut-être apprécié à la lumière des plagiats comme dans le cas de l'Historia del esforsado (sic) Clamades..  par Juan Ibarra (Elche, 1856) comprend p. 11 une vignette (la seule) qui reprend grossièrement celle de l'édition Marés observée (celle de 1858) mais à l'envers...

 

21. Il faudrait voir si dans les reprises de la collection de M. Martín au XVIIIe siècle, les bois de couverture (obligés) sont ceux de M. Martín (ce qui impliquerait des accords commerciaux), ou s'il s'agit d'imitations ou s'ils sont différents .

 

22. Lors de la saisie, certains sont dans des paquets ficelés. Pour chaque titre le nombre varie entre 52 (pour la Batalla de Lepanto dite aussi Batalla Naval) et 2 317 (Vida de San Alejo) chaque titre comportant un nombre variable de pliegos (entre 2 pour San Alejo et 7 pour Pierres y Magalona.).

 

23. Par exemple, l'Historia del muy valiente y esforzado Clamades... chez Christobal Escuder de Lérida vers 1770-1790.

 

24. A partir de 1879 tout le fonds Marés-Minuesa est également disponible à Barcelone chez Sucesores de A. Bosch  ou Miguel Servet, 13 et Bou Plaza Nueva 13 (Vidal y Cía, Sucs. de A. Bosch).

 

25. Il s'agit de El virtuoso Tobías, de l'Historia del general D. Baldomero Espartero , de l'Historia del nuevo Robinsón  et de l'Historia de la Esmeralda..

 

26. "En todo se ha atendido a la utilidad de los jóvenes, y se ha adornado con algunos grabados para proporcionarles un atractivo que les haga interesante la lectura " est-il précisé dans le Nuevo Robinsón..

 

27. Sans viser à une étude véritablement "titrologique", il peut-être de suivre les évolutions dans les rédactions abrégées des titres dans les catalogues ou inventaires (cf. p. e.l'Historia de Pierres de Provenza y la linda Magalona qui devient "La Magalona" ou  l'Historia de la Conversión del Reino de Francia qui devient Clotilde y Clodoveo...).

 

28. On connait par ailleurs (cf. Palenque, 1990) le goût avéré en Espagne, y compris parmi les classes "cultivées, pour la poésie et sa lecture, le vers étant bien plus présent dans l'univers au quotidien que la statistique bibliographique ne le suggère...

 

29. Peut-on accorder une signification à l'absence de mentions manuscrites, notamment de propriété, sur les exemplaires du XIXe siècle jusqu'à présent manipulés, alors que les livres en comportent parfois ? Seule marque de possession sur l'Historia verdadera del emperador Constantino el Magno, Valencia, A. Laborda, 1771 conservée à l'Instituto de Historia Municipal de Barcelone: "Sieste libro seper diese como puede suceder suplico alque se hallare silo qui sierevolver esde Gregorio Aguilar Gregorio Aguilar Gregorio Aguilar hijo de José Aguilar y de Francisca Balero/a Natural de Xazque de la Val", avec une graphie et une orthographe qui ne renvoient donc pas à une maîtrise avérée, c'est le moins qu'on puisse dire.

 

30. Quelques exemples seulement tirés de Genoveva de Brabante où le narrateur ne craint pas d'apparaître en tant que tel : "pero continuemos la narración sin anticipar los sucesos", "probaré de describiros", "considere el lector cuán violento sería el furor que esperimentaría Sigifredo al presenciar esta infernal visión" (ceci dans la version en vers !). Dans La Esmeralda..., la présence du narrateur est aussi évidente : p. 10 "Figúrese el lector...", p. 12 : "Dejemos a un lado las salmodias lector, porque Claudio no las escucha, y vamos siguiendo a nuestros personajes" (fin du chap. III), p. 14 : "Volvamos ahora a nuestro asunto...".

 

31. Les "Obras populares a dos reales tomo" de Maucci (format 16x10,5) sont agrémentées à présent d'une couverture en trichromie. A. Carrillo y est présenté comme l'auteur de Catalina Howard (Novela basada sobre el drama del mismo título),Flor de un día, Espinas de una flor, Vida de un jugador , autant de titres anonymes dans le répertoire des historias qui ne font que rarement référence aux auteurs/adaptateurs : une exception est représentée par Antonio Faura qui écrit apparemment sur commande Rosaura ("cuando se me embiado (sic) escribir" Rosaura (version en prose d'un romance) écrit-il), Adelaida, la Esmeralda, D. Jaime el Conquistador, Isabel la Católica (pour la maison Bosch). Un autre auteur dont on ne connaît que les initiales est un certain B. M.

 

32. Lise Andriès m'a justement rappelé que J. J. Darmon (1972, 266) fait référence pour la France à un "colportage de deuxième origine", après 1870.

 

33. Comme El escribiente de los enamorados , Secretos de utilidad y recreo, La cocinera catalana, Juegos de manos, El mágico adivino, Guia dels enamorats o llibre de galanteos,

ou El médico de los pobres , arte de curarse a sí mismo de muchas enfermedades sin necesidad de facultativo, contiene dos recetas para hacer el agua sedativa, esplicación de sus virtudes ; para hacer pomada, aceite y aguardiente alcanforado su aplicación y últimamente para hacer la medicina de LE ROY (la Rúa). Contiene el vomi-purgativo el purgante hasta cuarto grado y dosis que debe tomarse del vomi-purgativo y purgante (Valencia, fonds Serrano Morales).

 

 

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