Itinéraires* 


(in: Les 50 ans de l’université Rennes 2, Rennes, Université Rennes 2, 2019, sans pagination).




En cinquante ans, quelque 200 000 étudiants (correspondant à plus de 760 000 inscriptions) ont été accueillis plus ou moins longuement à l’université de Haute Bretagne-Rennes II devenue plus simplement université Rennes 2 et Skol Veur Roazhon 2, en breton. Il y ont reçu une formation initiale ou continue qui, au total,  a impliqué deux milliers d’enseignants et personnels IATOS.     

    Dans cette masse d’étudiants, enseignants et personnels aujourd’hui dits BIATOSS, il est difficile de distinguer et connaître les itinéraires de chacun —les parcours prévus et les parcours effectivement suivis. On peut néanmoins essayer d’en dégager les grandes tendances.


L’université Rennes 2, lieu de passage et de formation. Entre 1969 et aujourd’hui les étudiants accueillis chaque année à Rennes 2, ont vu leur nombre multiplié par trois et demi, de 6 600 à 23 500, en augmentation constante, sauf entre 2005 et2013.

    Leur recrutement s’est progressivement diversifié: si à l’origine 84% des étudiants étaient originaires des départements d’Ille et Vilaine, Côtes d’Armor et Morbihan, et aussi du Finistère, ils ne représentent plus aujourd’hui que 69% des effectifs. Le nombre d’étudiants étrangers accueillis est ainsi passé de 872 en 1985-6 (6, 5% des effectifs, bien en dessous de la moyenne nationale) à 3 251 en 2016 (13.62%). Le développement des cours pour étudiants étrangers et des conventions avec des universités d’autres pays (une vingtaine dès 1986), puis le dispositif Erasmus ont favorisé l’ouverture d’une université quelque peu cantonnée dans son territoire haut-breton au départ. Ses étudiants, issus pour la grande majorité des classes populaires et moyennes (le pourcentage de boursiers —46% en 2016—  et de salariés à temps plein—15% entre 2008 et 2017—, mais aussi, encore plus nombreux, à temps partiel, est à cet égard révélateur), sont devenus, eux aussi, beaucoup plus mobiles.

    Dans une université longtemps caractérisée par une forte présence féminine (71% d’étudiantes en 1993-94), mais aussi pour ses investissements en faveur de l’égalité homme-femme, on observe, par ailleurs, une certaine masculinisation des effectifs: entre 1996 et 2016 la proportion d’étudiants est passée de 31 à 39%, avec toujours des variations selon les filières. 

    Si, sans surprise, presque la moitié (45%) des étudiants étaient en 1993-4 titulaires de baccalauréats à dominante «littéraire», on comptait déjà une part non négligeable de titulaires de bac économique (20%, essentiellement en AES, géographie et sociologie) et plus de 10% de bacheliers scientifiques (surtout en MASS et STAPS) mais aussi 16.5% de bacheliers techniques (46% en AES).

    La diversification de l’offre et des parcours de formation et, partant, des qualifications et débouchés, a été à l’origine de spectaculaires progressions des effectifs dans certaines filières comme celle d’AES au départ et, par la suite, en Psychologie et Sociologie, STAPS —au prix de tensions récurrentes—, Information et communication, mais également en Sciences de l’éducation, Aménagement, Arts plastiques ou du Spectacle, et même Histoire de l’art. Avec, comme conséquence, la baisse relative des effectifs dans des disciplines ou filières traditionnelles comme l’histoire, la géographie, les lettres modernes, les sciences du langage, mais aussi de nouvelles répartitions: par exemple, quand le nombre d’étudiants en langues, littératures et civilisations étrangères et régionales  baisse de 3 986 à 2 485, entre 1996 et 2016, celui des étudiants en LEA augmente de 910 à 1363. Certaines disciplines qui étaient au cœur de l’ancienne Faculté des Lettres comme les langues anciennes sont devenues beaucoup moins attractives. 

    Au total, ces étudiants et étudiantes ont eu tendance à rester plus longtemps à l’université pour prolonger leur formation. Entre 1999 et 2017, Rennes 2 a délivré 65 titres de docteurs par an, en moyenne, à comparer aux 23 inscrits en doctorat en 1974. Une tendance qu’on observe au plan national mais qui s’est trouvée renforcée à Rennes 2 par la mise en place de dispositifs de lutte contre ce que, par euphémisme, on qualifie souvent d’évaporation et qui pour un étudiant est synonyme de renoncement à poursuivre ses études et, partant,  d’échec précoce.


La lutte contre l’échec. On le sait, tous les étudiants inscrits en première année n’ont pas tous suivi des cursus complets et même si près de 17% des inscriptions en première année à Rennes 2 sont des inscriptions par défaut (d’attente ou de précaution), le taux d’échec lors des deux premières années a longtemps été très élevé.  Pour s’efforcer d’y remédier, l’université  a, en plus des dispositifs nationaux d’orientation ou réorientation, innové en matière de pédagogie et d’organisation des études, avec constance et quelque succès à plus ou moins long terme. La mise en place du tutorat ou l’offre de modules de préparation à différents concours durant les deux premières années a permis à un grand nombre d’étudiants de trouver une voie adaptée à leurs aspirations. Si entre 1994 et 2002, une forte «évaporation» a persisté lors des deux premières années (51% des effectifs), on doit remarquer que l’abandon des études s’est souvent faite au bénéfice d’une insertion professionnelle voulue et réussie et que 41% des étudiants inscrits ont obtenus un diplôme de licence, 35% un Master I et 23.5% un Master 2. Si en 1996 seul un inscrit sur trois (7 267 sur 20 062) obtenait un diplôme,  en 2016 il s’agit de un sur deux (10 780 sur 23 863).

    

La démocratisation et la promotion sociale. Cette politique volontariste a sans doute eu pour résultat de favoriser une démocratisation de l’accès à l’université et une certaine promotion sociale, par l’amélioration des qualifications.

    Y ont notablement contribué un service d’enseignement à distance préexistant à l’université Rennes 2 mais considérablement développé au cours de ces 50 ans (il comptait plus de 2 000 inscrits en 2005) qui a permis la poursuite d’études à des étudiants salariés ou empêchés, mais aussi, pour les non-bacheliers, la permanence d’une préparation au DAEU. La création d’un Relais Handicap témoigne également de cette volonté de rendre plus égalitaire l’accès à l’université. 

    En développant son offre en matière de formation continue Rennes 2 a, par ailleurs, permis le perfectionnement d’un nombre croissant destagiaires (le nombre d’heures-stagiaires a été multiplié par 7 entre 1982 et 2016) en même temps que leur étaient proposés des parcours qualifiants (par exemple, la licence professionnelle Métiers de l’Administration Territoriale ou le Diplôme d’université «Etudes sur le genre», le Diplôme d’Etudes Celtiques, le Master Infocom, le master Stratégie et Ingénierie en Formation d’Adultes).

    La création en 1980 de l’Institut des Sciences Sociales du Travail de l’Ouest et celle, en 1982, du Collège Coopératif en Bretagne sont venues renforcer, de façon originale, ce dispositif en direction de publics plus ciblés, pour des formations diplômantes ou certifiantes.

    Depuis quelques années, il faut tenir compte, en outre,  des formations en alternance et des reprises d’études, par des étudiants plus âgés, souvent déjà salariéset qui bénéficient de la politique de validation des acquis de l’expérience impulsée par Rennes 2: entre 2003 et 2017, ils représentent entre 13 et 16% des effectifs. 

    En même temps qu’elle s’ouvrait à tous ces nouveaux publics, l’université s’est donc efforcée de rendre moins inégalitaire et plus efficace et positif le passage par ses formations. 

    Les résultats de cette politique peuvent être mesurés au nombre des diplômes délivrés ainsi qu’à leur niveau. Entre 1981 et 2016, le nombre de licences délivrées a été multiplié par4 (de 833 à 3 254) quand le nombre d’étudiants n’a fait que doubler. Dans le même temps, l’allongement de la durée des études a entraîné une forte augmentation de la proportion d’étudiants à Bac+5; la part des diplômes de Master est passée de 21% en 1996 à près d’un tiers en 2016, alors que la part des diplômes de Licence régressait en proportion: le fruit d’une augmentation et diversification des formations mises en place pour répondre à la demande sociale. Entre 1985 et 2017, plus de 1 500 thèses ont été soutenues à Rennes 2 et 140 HDR depuis 1999.

    Dans le même temps, une amélioration de l’insertion professionnelle des diplômés a pu être obtenue et observée. 


L’insertion professionnelle. Il est évidemment difficile de dire ce que chacun ou chacune des diplômés de Rennes 2 est devenu —ou deviendra. Le temps est désormais lointain où «faire» une licence de lettres classiques voulait pratiquement dire qu’on deviendrait professeur de français-latin- grec. Mais grâce à l’attention portée par l’université dès sa fondation pour l’orientation et l’insertion des étudiants avec la création d’une Cellule d’Information et d’Orientation puis d’un SUIO  et  l’existence depuis 1994 d’un Observatoire des Parcours Etudiants et de l’Insertion Professionnelle on peut cependant esquisser les grandes tendances dans l’évolution de ces parcours.

    On observera d’abord que, très tôt, l’université Rennes 2 a souhaité contribuer à une meilleure et plus rapide insertion professionnelle ou entrée dans la vie active de ses étudiants avec la mise en place d’un dispositif d’aide à la construction de projets professionnels et de bureaux des stages (l’AES et les LEA furent des pionniers en la matière), les relations établies avec l’APEC,  et aujourd’hui, l’existence d’un module de formation aux techniques de recherche d’emploi (Tek), d’une sensibilisation à l’entreprenariat et d’un dispositif de formation pré-professionnelle. 

    Au départ, la nouvelle université avait hérité de l’ancienne faculté des Lettres une vocation à délivrer des licences dites d’enseignement et à préparer aux concours de recrutement de l’enseignement secondaire. La mise en place d’IUFM aujourd’hui ESPE, si elle a modifié les conditions de formation, n’a pas eu raison de cette vocation, élargie aujourd’hui à l’enseignement primaire. Les statistiques manquent, mais on sait, par exemple, qu’entre 1972 et 1976, il y eut une moyenne de 64 étudiants et étudiantes de Rennes 2 reçus au CAPES dans 8 à 10 disciplines; qu’en 1978, les lauréats au CAPEPS furent au nombre de 21 et qu’il y eut trois reçus au CAPES de Sciences Economiques et Sociales; qu’en 1985, on comptabilisa 27 agrégés. Quarante ans plus tard, après la mise en place du master MEEF, parmi les 565 lauréats de l’Académie de Rennes aux différents concours de recrutement de l’enseignement secondaire en 2016, il y a 263 étudiants et étudiantes inscrits à Rennes 2 (236 sur 542 en 2017, soit 45%) et une part importante des professeurs des écoles du public et du privé recrutés en Bretagne a également suivi des études dans notre université. Au total, ce sont plusieurs milliers d’enseignants du secondaire et du primaire, du public et du privé, certains déjà à la retraite, qui ont suivi une formation initiale à Rennes 2. Un certain nombre d’entre eux ont pu entreprendre des carrières dans l’enseignement supérieur, y compris dans leur ancienne université.

    Mais l’université avait aussi conservé de l’ancienne faculté des lettres et sciences humaines des filières à finalité directement professionnelle (c’est le cas, par exemple,  du diplôme de psycho-pathologie) et,  très tôt, dans la production sociale de l’université, une diversification et un enrichissement des débouchés a correspondu à la diversification des formations mises en place.

    Cela a été le cas de la filière AES, créée en 1973, en même temps que celle de Rennes 1. Un étude menée sur la période 1973-1993 permet de constater que la majorité des diplômés (64%) a trouvé une débouché dans le secteur public (fonction publique d’Etat et administration territoriale), mais aussi que la part de l’insertion dans le privé a été en croissant et qu’on a apprécié la polyvalence et la capacité d’adaptation de ces diplômés. D’autres filières plus traditionnelles ont aussi  innové en se fixant également des finalités directement professionnelles. C’est le cas des Langues avec la mise en place de la filière LEA et des MST Relations Internationales et Traduction scientifique, de la Géographie, avec la filière Aménagement ou de l’Histoire, avec la mise en place d’une préparation aux concours de la fonction publique, etc. Dès 1969-74, une étude menée sur le devenir des étudiantes et étudiants d’histoire fait apparaître un fort taux d’insertion: 87%, dont 39% dans le secteur privé, 44% de ces insertions s’étant faites hors des carrières de  l’enseignement, ce qui permet à l’auteur de l’étude de souligner (p. 20), que «l’université ne forme pas que des enseignants et des chômeurs (sic)».

    La création ex nihilo de filières professionnelles et le développement des relations avec les milieux économiques auxquels le  Bulletin de liaison n° 14 de l’UHB est consacré en juin 1979, a accéléré et intensifié ce processus.

    Une étude de la cohorte 1994-2002 portant sur 4 383 étudiants permet de constater une forte tendance à la poursuite d’études, avec un taux d’entrée immédiate dans la vie active de 25% seulement, mais aussi une diversification accentuée des insertions professionnelles en lien avec la diversification des formations. On observe une part croissante de l’insertion dans le privé (associations comprises) mais aussi une propension à la création d’entreprises, avec des emplois généralement en adéquation avec la formation reçue: l’enseignement et la formation, l’animation, la prise en charge éducative, la documentation, l’administration et la gestion (secteurs public et privé), le commerce et, parfois, des secteurs moins attendus, comme la banque. 

    Aujourd’hui on trouve donc d’anciens étudiants de Rennes 2 professeurs dans l’enseignement primaire, secondaire et supérieur, employés ou cadres de la fonction publique ou territoriale, salariés du privé, éducateurs, animateurs, psychologues mais aussi artistes, bibliothécaires, documentalistes, libraires ou bouquinistes, traducteurs, hôtesses de l’air, réceptionnistes, archéologues, dramaturges, aménageurs, archivistes,  circassiens, négociateurs dans l’immobilier, conservateurs des antiquités, assistant.e.s social.e.s, professionnels du spectacle, éditeur, ergonome, coach, guide-conférencier, journaliste, footballeurs professionnels, banquiers, entraîneur sportifs,  coloristes BD, chefs d’entreprise, rédacteurs publicitaires, etc.

     Cet inventaire n’est bien sûr qu’indicatif et pourra être complété par tous ceux et celles qui ne s’y reconnaitront pas. Quelques parcours représentatifs ou remarquables sommairement rappelés par ailleurs permettront d’incarner la dimension individuelle que ne doit pas occulter l’abstraction énumérative ou statistique. 

    Peut-on, en complément, caractériser les parcours de tous ceux, enseignants et chercheurs ou personnels bibliothécaires, ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers, sociaux et de santé, qui ont contribué à la construction et réalisation de ces parcours étudiantset professionnels? 


Etre enseignant à Rennes 2. Au nombre de 300 en 1981-82 (pour près de 10 000 étudiants), les enseignants sont aujourd’hui plus de 740 à Rennes 2, avec une proportion croissante de femmes et un taux d’encadrement qui s’est légèrement amélioré au fil des ans: d’un enseignant pour 34 étudiants en 1981 à un pour 30 aujourd’hui. Le recrutement plutôt endogène au départ s’est considérablement élargi avec la diversification des disciplines et filières et l’apport d’enseignants d’autres pays que la France, sans que Rennes 2 fasse toujours partie de leur premier choix. Comme beaucoup d’universités à la grande périphérie de Paris et compte-tenu des conditions de travail des enseignants-chercheurs, Rennes 2 compte encore un grand nombre de non résidents qui dans leur parcours professionnel incluent un parcours hebdomadaire vers Rennes, dans l’attente pour certains d’une nomination dans une université plus proche de leur domicile. Si certains ont pu faire leur carrière au sein de Rennes 2, d’assistant —et même parfois d’étudiant— à professeur des universités, la tendance est de toute évidence à une plus grande mobilité. On rappellera ici le choix que firent dans les années 1970 bon nombre d’économistes, juristes, mathématiciens, etc.  issus de l’autre université rennaise de venir exercer à Rennes 2, quitte pour certains d’entre eux, faute de perspectives internes, à poursuivre ailleurs leur carrière dans d’autres établissements, dans des instances internationales ou dans d’autres corps, comme l’ENA. Rennes 2, de son côté, a pu aussi bénéficier de l’arrivée en cours de carrière de nombreux enseignants provenant d’autres universités.  Par le biais de détachements, certains enseignants de Rennes 2 ont pu être appelés à exercer des responsabilités ou à assurer des missions d’expertise aux plans local, régional, national et international dans le domaine de l’éducation et de la recherche (recteurs d’académie, directeurs de grands établissements, chef de la MAFPEN, du CIES du Grand-Ouest, etc.),  de la politique (conseiller municipal, président et vice-président de la Région Bretagne, président du CESER de Bretagne, ministre et même président de la République), ou du domaine associatif et sportif. Plus nombreux sont cependant celles et ceux qui ont accepté d’inclure dans leur parcours des responsabilités au sein même de l’université, à tous les niveaux: direction de départements, d’UER puis UFR, de services, et d’autres mandats électifs à la tête de l’université. La liste serait longue. Quelques autres, plus rares, ont été élus au Collège de France ou admis à l’IUF. Le développement des échanges au sein de l’Europe a permis, par ailleurs, l’accentuation d’une ouverture que les premières conventions avec des universités étrangères avaient permis de favoriser. 

    Si le temps des pionniers n’est  heureusement pas révolu, il faut se souvenir de ce que, dans une ancienne faculté des lettres et sciences humaines, supposa l’arrivée de juristes, d’économistes et mathématiciens, de spécialistes des sciences de l’information et la communication ou de l’éducation, des STAPS, de musicologie, etc. On rappellera aussi la capacité d’innovation ou d’adaptation à d’autres finalités de formation de certains enseignants de langues, au bénéfice des LEA ou du Centre de langues, par exemple. La professionnalisation voulue de certaines formations a requis, par ailleurs, la participation de nombreux enseignants issus des milieux professionnels. L’interdisciplinarité —effective dans certains domaines, comme la Chaire des Amériques— n’a pas été compliquée outre mesure par l’éclatement géographique de l’université initié avec le rattachement de l’IUT de Vannes et poursuivi avec la création de l’antenne de Saint-Brieuc et la multiplication des implantations sur le campus de Villejean. Mais le sentiment d’appartenance à une même université a pu s’en trouver affecté. 

     

Des IATOSS aux BIATSS. Longtemps l’université Rennes 2 a cultivé «l’art d’être pauvre», comme le remarquait le rapport du CNE en 1987, et souffert de son très insuffisant encadrement en personnels IATOS/BIATSS qui en 1981-82 n’étaient encore qu’au nombre de 178. Un nombre aujourd’hui multiplié par plus de trois et une situation largement améliorée avec un ratio de un pour 35 étudiants contre un pour 55 en 1981,  compte non tenu des personnels employés dans des services externalisés comme la sécurité et l’entretien. Le système de gestion propre à ces différents corps n’a pas empêché que pour partie de ces personnels l’affectation à Rennes 2 ait correspondu à leur choix et qu’ils aient pu faire la plus grande partie de leur carrière au sein de Rennes 2. La possibilité de recruter des vacataires ensuite titularisés ou des personnels sur profil a accentué cet attachement à un outil de travail dont, sous la direction des secrétaires généraux ou directeurs des services successifs, ils ont accompagné les mutations. C’est le cas, notamment, des personnels des bibliothèques qui après la disparition de la Bibliothèque Inter-Universitaire ont su mettre en œuvre une nouvelle politique de la documentation au sein de Rennes 2. Depuis le début des années 1980, un certain nombre des personnels IATOS/BIATSS se sont régulièrement et intensément impliqués dans la définition des orientations de l’université et dans ses instances dirigeantes. Certains ont, par ailleurs, exercé des mandats au sein du conseil municipal de Rennes et d’autres communes.        

    

L’appartenance à Rennes 2. Dans tous ces parcours, l’université a su distinguer et célébrer ce qu’il y avait de plus remarquable: les prix ou attribution de bourses récompensant des étudiants, des chercheurs ou des ingénieurs et techniciens pour leurs travaux de recherche, leurs réalisations ou leurs innovations, au plan régional(Prix Bretagne du jeune chercheur,  du meilleur livre en langue bretonne, de la Société de Médecine du Sport en Bretagne, de la ville de Lorient, Simone Morand, etc. ), national (Prix de l’Académie des Sciences Morales et de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres, médaille de bronze du CNRS, etc.) ou international(Prix international Filippo Sacchi , Mimouni 99, Ramón Llull, etc.). Dans des domaines aussi variés que les réalisations artistiques, l’infographie, les arts plastiques, l’informatique (Prix du CREIS), les sciences économiques ou sociologiques (Prix Girardeau), la géographie et l’histoire (Prix Jean Mitry), les études canadiennes (Prix de l’AFEC), le sport (Prix Jean Vivès), la psychologie (Prix Œdipe), les langues appliquées  (Prix Eugen Wüster) ou la création littéraire et autre ( Prix Goncourt, Médicis, Jean Giraudoux, Roger Caillois, RFO). Il faut également se féliciter de ce que, depuis 1989, plus de 140 titres individuels ou collectifs de champions de France universitaires aient été remportés par des étudiantes et étudiants de Rennes 2, notamment en canoë-kayak et en rugby à 7 qui a vu, en 2018,  les équipes féminines et masculines remporter la Coupe d’Europe. Dernièrement c’est l’université dans son ensemble qui s’est vue récompensée pour sa politique en matière de prévention des violences sexuelles et sexistes par le Prix Orange Day Champion décerné par le Comité ONU Femmes France. On sait que plusieurs rues de Rennes et un stade couvert portent les noms d’anciens enseignants de Rennes 2. 

    L’université a rarement manqué de manifester collectivement sa fierté et sa reconnaissance à l’égard de ceux parmi les siens dont les parcours avaient étédistingués par l’attribution de médailles ou de décorations, au plan local  (médaille de la Ville de Rennes), régional (Ordre de l’Hermine d’Or), national (Palmes Académiques, et plus exceptionnellement Ordre national du Mérite et Légion d’Honneur) ou étrangères (Croix de Saint-Georges, Ordre d’Isabelle la Catholique, doctorats honoris causa). Parmi les anciens professeurs de Rennes 2 on compte deux membres de l’Institut de France. Depuis le début des années 1980, les départs à la retraite —la presque fin d’un parcours— sont honorés lors d’une cérémonie solennelle qui rassemble la communauté universitaire et où une médaille (la première fut remise au premier président de Rennes 2, René Marache, le 4 juin 1983) ou, à présent, un objet plus design, est offert à chacun. 

A quatorze reprises depuis 1977, le titre de Docteur Honoris Causa de l’université Rennes 2 a été attribué à des personnalités étrangères: Mário Soares, Robert Leaper, Jean-Pierre Wallot, Richard Ford, Mario Vargas Llosa, Radu Toma, Mary Robinson, Alpha Oumar Konaré, Miguel Estrella, J. Edwards, Jules Wilmet, John Hume, Paul L. Harris, Abdellatif Laâbi, Jorge Semprún, Adonis (Ali Ahmad Esber), Claudio Rodríguez Fer, José Viñas Ribes, Ramón Villares, Carlo Ginzburg. Une plaque apposée au bas du bâtiment de la Présidence rappelle les liens ainsi établis.

    

    Rennes 2, lieu de vie? Même s’il a souvent été décisif professionnellement, pour la plupart des étudiants, le temps de passage et de formation à l’université à Rennes 2 —à la «fac de Villejean» comme ils disent encore souvent— ne semble pas être associé à un fort sentiment d’appartenance. Il faudrait le vérifier. Ce qui est sûr, c’est que, au delà de solidarités occasionnelles liées, par exemple, aux fréquents mouvements sociaux qu’a connus l’université, et du port d’un T shirt ou d’un sac avec le logo de Rennes 2, il n’y a pas, sur le modèle des grandes écoles ou des universités anglo-saxonnes d’association d’anciens de Rennes 2 ou de telle ou telle de ses filières. Même l’association des retraités de Rennes 2 a du mal à entretenir la flamme. Quelque chose qui sans doute caractérise la plupart des universités françaises. Si on peut observer que la présence d’anciens étudiants de Rennes 2 est bien effective dans les réseaux politico-administratifs ou sociaux de la Bretagne et du Grand-Ouest, être un diplômé ou un ancien élève de Rennes 2 n’est sans doute pas encore une qualité à faire figurer sur une carte de visite ou une plaque professionnelle. La possibilité récemment offerte d’adhérer à la communauté des diplômés de Rennes 2 en tant qu’Alumni devrait permettre des évolutions en la matière.

    Pourtant, tout au long de ce demi-siècle, Rennes 2 s’est efforcée de proposer, notamment à ses étudiants, autre chose qu’un lieu de passage et de formation, un lieu de vie avec les différents clubs étudiants, des cafeterias (en liaison avec le CROUS), les aménagements du hall du bâtiment B, puis la construction d’une maison des étudiants (EREVE) et l’aménagement récent de la Bibliothèque Universitaire, avec de multiples activités culturelles. Un lieu de mémoire, aussi, où des bâtiments, des amphithéâtres, des salles ou des bibliothèques ont porté ou portent des noms hérités de l’ancienne Faculté des Lettres (Chateaubriand, Renan, Henri Sée, Lamennais, Feuillerat) ou plus récemment attribués: ceux d’enseignants de l’ancienne faculté ou de Rennes 2 (Henri Fréville, André Meynier, Antonio Otero Seco, Victor Basch, Michel Denis,Jean Mounier,Jean Gagnepain, Alain Lieury, François Le Brun, Charles Foulon, Jacques Léonard, André Mussat), mais aussi d’autres référents comme Malik Oussékine, Guillevic ou Robert Castel. Dernièrementune féminisation de ces dénominations a été initiée avec l’attribution des noms de Mona Ozouf, Isabelle Autissier, Joséphine Pencalet, et bientôt Pina Bausch à des locaux pédagogiques. 

     

     Pendant 50 ans, l’université Rennes 2 (ex-UHB, un temps partie de l’Université de Bretagne et aujourd’hui de Bretagne-Loire, et toujours «fac. de Villejean») s’est montrée accueillante, y compris pour ceux dont elle n’était pas le premier choix.  Elle a eu pour constante préoccupation de lutter contre l’échec et de participer ainsi à la démocratisation de l’enseignement supérieur et à la promotion sociale. En procédant aux indispensables adaptations —en innovant—, elle s’est efforcée d’accompagner les évolutions de la demande sociale et de préparer ses étudiants à la meilleure insertion dans la vie active, non sans succès et en contradiction avec l’image d’usine à chômeurs qui est encore parfois associée aux universités à dominante d’arts, lettres et sciences humaines et sociales. Le socle de culture générale et critique dont elle a pu doter ceux qu’elle a contribué à former est un véritable atout pour l’avenir. Pour beaucoup, elle a été un lieu apprécié de maturation, car le rôle et la production sociale de l’université —on le constate de plus en plus— va bien au delà de la simple délivrance de diplômes à de jeunes adultes. 

    Sans l’avoir souhaité, l’université Rennes 2 a longtemps cultivé l’art d’être pauvre… Aujourd’hui, sans les moyens dont peuvent disposer d’autres institutions, on peut dire qu’au regard des critères consuméristes, ses formations jouissent d’un bon, voire excellent, rapport qualité/prix.

     Ce qui est sûr c’est que les itinéraires dont il est ici très sommairement et imparfaitement rendu compte n’étaient pas tous tracés d’avance et sont largement le fruit d’efforts individuels que l’université Rennes 2 s’est simplement mais collectivement et activement efforcée d’accompagner. 


                                Jean-François Botrel


* L’histoire de l’université de Rennes 2 est encore à faire et, faute d’études préalables et 

quelquefois tout simplement de données, ces quelques observations sur sa production sociale et ses acteurs n’ont pu s’appuyer sur toutes les informations requises habituellement en la matière. Je remercie toutes celles et ceux qui ont permis de pallier en partie ces carences: les Archives Départementales d’Ille-et-Vilaine, Sylvie Dagorn, Myriam Pradet, Christine Rivalan Guégo, Olivier Desoubry, Alain Even, Olivier David, Marianne Rei, Philippe Blandin, Frédéric Peter, Linda Clédy, Christine Zimmermann, Marina Blanchet, Jean-Yves Cello, Daria Aoustin.